Nature et rôle du fonds de commerce

Nature du fonds de commerce

C’est un bien composite dans lequel on retrouve un ensemble de biens de nature différente. Il est donc très difficile de définir sa nature. Certains auteurs l’ont définit comme un droit à la clientèle, celle-ci constituant le centre (voire l’élément unique) du fonds de commerce. Mais il ne faut pas résumer le fonds de commerce à la clientèle.

Le fonds de commerce est par conséquent ce que l’on appelle une universalité de fait, c’est-à-dire la réunion de divers biens qui tendent à la même finalité, c’est-à-dire l’exercice de l’activité commerciale. C’est pour cela qu’il va être appréhendé de façon globale, dans son ensemble. C’est un bien meuble incorporel.

Les éléments du fonds de commerce

Il y a deux choses qui sont exclues du fonds de commerce : les créances et les immeubles.

Ce qui y est inclus, ce sont les biens corporels et les biens incorporels

Les biens incorporels composant le fonds de commerce

La clientèle

C’est l’élément fondamental sans lequel il ne saurait y avoir de fonds de commerce.

La clientèle est l’ensemble de clients qui sont possédés (le fichier client) mais également les clients potentiels. Lorsqu’elle apparaît, apparaît le fonds de commerce, et lorsqu’elle disparaît, elle emporte le fonds de commerce avec elle. De même dans le cas de la vente, il y a cession de clientèle.

Mais elle ne peut être l’élément unique car sans le reste, il ne peut y avoir de clientèle. Les autres éléments permettent d’acquérir et de retenir la clientèle.

Le nom commercial et l’enseigne

Le nom commercial est la dénomination sous laquelle est connue et exploitée un établissement commercial. Il sert à identifier l’entreprise commerciale et donc à rallier la clientèle. Ce nom peut être fantaisiste ou patronymique.

A coté du nom commercial, il y a l’enseigne qui est apposé sur le local même de l’exploitation, ce peut être un nom mais également un logo. De la même manière que le nom commercial, elle a une fonction de ralliement de la clientèle. Elle est également protégée.

Le droit de bail du local exploitant

L’exploitation d’un fonds de commerce, cela se fait soit dans des locaux dont on est  propriétaire, soit dans des locaux où on est seulement bailleur.

Si on est propriétaire, l’immeuble ne fait pas partie du fonds de commerce.

Si on est locataire, le droit de bail est inclus dans le fonds de commerce. Ce droit de bail relève d’une réglementation qui vise précisément à protéger l’exploitation du fonds de commerce. La réglementation prend en compte cette exploitation de différentes manières :

  • La durée du bail est de 9 ans. C’est une durée initiale longue qui assure une certaine continuité dans l’exploitation du fonds de commerce.
  • Le locataire d’un bail
  • La résolution du bail est soumise à des conditions strictes
  • Le propriétaire des murs ne peut jamais s’opposer ce que le droit de bail soit vendu à un tiers, qui est par définition l’acheteur du fonds de commerce. En effet, si l’on empêche la vente du droit de bail, on empêche également celle du fonds de commerce.

Les droits de propriété industrielle

Ils sont au nombre de trois :

  • Les brevets d’invention : ils servent à assurer à une personne un droit d’exploitation exclusif sur une invention, une création nouvelle. Ils sont délivrés par l’INPI. (Institut National de la Propriété Industrielle)
  • Les dessins et modèles : ils permettent d’acquérir le droit exclusif d’exploiter une forme nouvelle (délivré là encore par l’INPI). C’est l’exemple d’un styliste. A noter que les dessins et les modèles sont la même chose avec une petite différence qui est que les modèles sont en 3D.
  • Les marques : elles font l’objet d’un dépôt à l’INPI pour être protégée et seules les personnes obtenant l’aval de l’INPI peuvent l’exploiter (ex : seul Nike peut utiliser la marque Nike, sinon on a à faire à une contrefaçon).

Les biens corporels composant le fonds de commerce

Ils sont de deux catégories.

  • Matériel et outillage (téléphone, fax, imprimante, photocopieuse, bureau…)
  • Marchandises (stocks, c’est-à-dire tous les objets destinés à la vente).
Auteur : Aurore JUAN – Corpo Droit Montpellier

L’entreprise commerciale au regard de l’activité de la personne exploitante

L’article L121-1 du Code de Commerce dispose qu’une entreprise est une entreprise commerciale si elle a l’activité d’un commerçant. Ce critère s’applique à tout type de personne.

« Sont commerçant ceux qui exercent de actes de commerces et en font leur profession habituelle ». A partir de là, il existe deux éléments constituant la définition de commerçant : l’activité commerciale et la condition pour qu’elle confère l’activité de commerçant.

Les activités susceptibles de conférer la qualité de commerçant

Le texte propose à l’article L110-1 du Code de Commerce une liste de ces activités. Dans les principales on peut distinguer deux catégories : les activités de fourniture de bien et de service.

Les activités consistant en la fourniture de bien

L’achat et la revente : Article L110-1, premièrement et deuxièmement. C’est l’activité la plus classique et traditionnelle du commerçant. C’est d’ailleurs la conception économique du commerçant.

Achat et revente du meuble : L110-1 premièrement. « Tout achat de bien meuble pour les revendre soit en nature soit après les avoir travaillés et mis en œuvre. » C’est le bien meuble opposable au bien immeuble qui est ici visé. En synthétique c’est ce qui est déplaçable. On a les biens meubles corporels et incorporels (ex : les actions en bourse, les droits d’auteur).

Dans l’appellation « achat pour revendre », on exclue les deux extrémités de la chaine économique : le producteur initial, l’exploitant d’une matière première (agriculteur, extracteur de métaux…) ainsi que le consommateur final.

Pas besoin d’acheter pour revendre tel quel, il peut y avoir une transformation. Il ne faut ni être le producteur initial, ni le consommateur final. Mais attention, il ne faut pas que la transformation prenne un part trop importante de l’activité sans quoi on devient artisan.

Achat et revente d’immeuble : L110-1 deuxièmement. « Tout achat de biens immeubles au fin de les revendre, à moins que l’acquéreur n’est agit en but d’édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre en bloc ou par locaux ». Autrement dit les promoteurs immobiliers ou les lotisseurs sont exclus de ce texte.

La location de meuble : L110-1 quatrièmement. C’est la location de meubles au sens strict qu’il faut entendre ici.

Les activités consistant en la fourniture de services :Seules sont commerciales celles qui sont visées par le texte.

Les services d’intermédiaire : L110-1, troisièmement, cinquièmement, sixièmement et septièmement.

« Les opérations d’intermédiaire pour l’achat, la souscription ou la vente d’immeuble, de fonds de commerce ou de parc de société immobilière ». L’agent immobilier rentre dans cette catégorie par exemple.

La commission (cinquièmement). On est commissionnaire lorsqu’on conclut un contrat avec quelqu’un pour le compte de quelqu’un d’autre.

Le courtage (septièmement). Un courtier rapproche deux personnes ayant vocation à contracter entre elle.

L’entreprise d’agence et le bureau d’affaires (sixièmement). Ce sont des personnes s’occupant de manière générale de gérer les affaires d’autrui, ce sont souvent des mandataires. Pour exemple, on peut citer une agence de voyage, de publicité, un cabinet de recouvrement de créance, un généalogiste.

Les entreprises de manufactures : L110-1, cinquièmement. C’est une catégorie qui vise la plus grande partie de l’activité industrielle. C’est l’achat d’un produit pour le modifier et le revendre. Par exemple l’achat de produits semi-finis que l’on revend fini, donc après transformation.

Ce sont également les entreprises qui transforment les produits d’autrui, mais attention ce doit se faire avec une visée spéculative et avec l’utilisation de machine sans quoi on se trouve dans l’artisanat. Ex : entreprise de construction (et non le maçon), entreprise d’édition, entreprise de nettoyage (pas la femme de ménage).

Les entreprises de transport : L110-1, cinquièmement toujours. Ce sont les transports par terre, par eau douce, et maritime (article L110-2). Mais il ne faut pas s’arrêter à cela, les chemins de fer et les transports aériens sont aussi considérés comme des activités commerciales même s’ils ne sont pas visés par l’article. La jurisprudence a élargie la définition.

Les entreprises de spectacle public : L110-1, sixièmement. Ce sont les cinémas, théâtres, entreprises qui exploitent des salles de sports.

Opération de banque et de change :L110-1, septièmement. Les opérations de banque sont des opérations de récupération de fonds, le crédit, le service de caisse. Les opérations de change sont les opérations consistant à la conversion d’espèces françaises en espèces étrangères ou l’inverse mais également toutes les opérations de bourse.

S’ajoute à cela même si la loi ne le dit pas expressément les opérations d’assurance.

Les établissements de vente à l’encan :Ce sont des établissements qui ont pour vocation les ventes publiques de marchandises dans des locaux spécifiques. Essentiellement, les ventes aux enchères.

Les activités de fournitures. : L110-1, sixièmement. Ce sont des entreprises assurant des livraisons successives de denrées, de marchandises ou de services devant être fournis en grande quantité et à intervalle régulier (ex : fourniture des cantines, d’eau, d’électricité, de livre d’école, les pompes funèbres).

Les modalités d’exercices des activités commerciales nécessaire à la reconnaissance de la qualité de commerçant :Ce sont des critères cumulatifs avec les précédents. Il y a quatre conditions à remplir :

  • Exercer l’activité à titre professionnel, c’est-à-dire avec un caractère principal et habituel. Elle doit être exécutée de manière organisée
  • Exercer l’activité à titre indépendant, c’est-à-dire pas de subordination, le salarié d’un commerçant n’est pas commerçant. Il doit agir pour son propre compte, n’être ni salarié ni mandataire.
  • Dans un but lucratif. C’est de l’essence même du commerçant de vouloir tirer profit de son activité.
  • Elle ne doit pas faire une trop grande place à l’activité manuelle. C’est la distinction entre l’artisan et le commerçant.
Auteur : Aurore JUAN – Corpo Droit Montpellier

L’entreprise commerciale et la concurrence

C’est une autre branche du droit des affaires : le droit de la concurrence. C’est un droit qui s’intéresse et qui veille au respect de la libre concurrence.

La finalité du droit de la concurrence était, à l’origine, exclusivement de protéger les concurrents entre eux. Aujourd’hui, il conserve cette finalité mais il s’est attribué une seconde finalité qui vient se rajouter à la première. Cette deuxième finalité est beaucoup plus large, il s’agit de protéger les marchés au sens large, l’économie, en garantissant le jeu de la concurrence de manière générale. Le but est de protéger la concurrence de manière générale en interdisant, ou excluant, les comportements tendant à diminuer ou à éliminer le droit de la concurrence.

Le droit de la concurrence repose sur la protection d’une liberté qui est une liberté fondamentale à valeur constitutionnelle en France : la liberté d’entreprendre, qui s’est appelée précédemment la liberté du commerce et de l’industrie, et qui nous vient de la Révolution française.

C’est concrètement la liberté pour toute personne de créer une entreprise, de l’organiser et la gérer au mieux de ses intérêts.

La fonction du droit de la concurrence est d’assurer cette liberté suivant deux finalités :

  • Entre les entreprises concurrentes, en veillant à ce qu’une entreprise ne porte pas atteinte à la liberté d’entreprendre d’une autre entreprise. Le droit de la concurrence encadre dans ce cas les excès de concurrence.
  • Dans l’ordre économique, c’est-à-dire assurer le droit de la concurrence de façon global dans l’économie. Il veille encore une fois à ce que la liberté d’entreprendre dans notre système économique. En effet, dans notre modèle économique, la concurrence a des effets sains sur l’optimisation des capacités de production. Il y a également un deuxième aspect dans ce droit, c’est que la concurrence pousse à l’innovation et à la concurrence des prix, ce qui est favorable au consommateur.

Ici, l’axe de réflexion est l’entreprise commerciale, mais le droit de la concurrence ne s’applique pas qu’à elle. Il s’applique à toutes les entreprises.

Auteur : Aurore JUAN – Corpo Droit Montpellier

L’exploitation du fonds de commerce

Il s’agit d’effectuer tous les actes nécessaires pour tirer profit du fonds. Il y a deux méthodes pour cela, l’exploitation directe soit la location-gérance.

L’exploitation directe du fonds de commerce

C’est l’exploitation du fonds de commerce par son propriétaire et pour son compte. Il existe deux systèmes d’exploitation directs.

Exploitation par le propriétaire du fonds de commerce lui-même : C’est la forme la plus fréquente.

Il peut y avoir exploitation du fonds de commerce par une personne physique, le propriétaire du fonds de commerce n’ayant pas créé de société.

Il peut également y avoir une exploitation sans forme sociale. Autrement dit, la société devient propriétaire du fonds et la personne physique fait fonctionner la société qui elle-même exploite le fonds.

Exploitation directe avec gérant : Il s’agit de confier à un tiers, le gérant, le soin d’exploiter le fond de commerce pour le compte de son propriétaire en contrepartie d’une rémunération. Cela reste une exploitation directe car le propriétaire est celui qui fait des bénéfices.

L’exploitation du fonds de commerce par une location-gérance

C’est le cas d’une personne propriétaire d’un fonds de commerce ne souhaitant pas l’exploiter lui-même et qui va donc faire appel à un tiers, le locataire-gérant, pour exploiter le fonds. Cette exploitation se fera cette fois pour le compte de locataire-gérant et non pour celui du propriétaire, ce qui diffère de l’exploitation directe avec gérant.

Le locataire-gérant verse une redevance, en général fixe, au propriétaire. C’est seulement un loyer à donner au propriétaire qui n’a rien à voir avec les bénéfices du fonds de commerce.

Nature du contrat de location-gérance

Il faut distinguer la location-gérance du bail commercial. Ce dernier est simplement la location d’un immeuble alors que la location-gérance est la location d’un fonds de commerce.

Dans le cas d’un contrat pour la location d’un immeuble mais également de tout l’équipement commercial qui va avec, on a à faire à une location-gérance.

Il existe un élément fondamental du fonds de commerce : la clientèle.

Les conditions du contrat de location-gérance

Les conditions de fond : L’objet du contrat de location-gérance est nécessairement un fonds de commerce. Pour que ce contrat soit valable, il y a des conditions :

  • Le bailleur doit être le propriétaire du fonds de commerce.
  • Le propriétaire doit avoir exploité le fonds de commerce pendant au moins 2 ans.
  • Le locataire-gérant ne peut l’être que s’il a la capacité d’être commerçant.

Les conditions de formes

  • Le contrat doit impérativement être écrit.
  • Il doit faire l’objet d’une publicité dans un journal d’annonce légal dans l’intérêt des créanciers.
  • Le locataire-gérant doit s’inscrire au registre du commerce et des sociétés.

Le propriétaire du fonds de commence perd sa qualité de commerçant, en revanche, car il n’exploite plus de fonds de commerce – à moins qu’il ait d’autres commerces.

Les effets de la location-gérance

La protection des créanciers :La raison du désir de protection des créanciers s’explique par le fait que l’exploitation d’une entreprise génère des dettes. Aussi, lorsque le fonds de commerce change de main, les créanciers sont légitimes à s’inquiéter. En ce qui concerne la protection des créanciers du propriétaire, l’article 144-6 du Code de Commerce prévoit que dans les trois mois qui suivent la publication du contrat de location-gérance les créanciers du propriétaire craignant de ne pas pouvoir recouvrer leur créance peuvent demander l’exigibilité, c’est-à-dire le paiement, de leur créance. Concernant la protection des créanciers du locataire, ils sont protégés de deux manières : Au début de la location-gérance il est prévu par la loi que les créanciers du locataire-gérant qui sont devenu créanciers dans les six mois qui suivent la publication de la location-gérance, ont le droit de demander paiement de leur créance au locataire mais également au propriétaire du fonds. Ce dernier est donc tenu des dettes de son locataire-gérant pendant six mois. A la fin de la location-gérance, il est prévu que les créances sur le locataire-gérant deviennent toutes exigibles dès la publication de la fin de la location-gérance.

Les obligations des parties à la location-gérance

Le propriétaire d’un fonds de commerce qui donne son fonds en location-gérance a deux obligations essentielles :

  • Il doit transférer au locataire la jouissance et le bail des éléments qui composent le fonds de commerce.
  • Il s’engage à ne pas se rétablir à son propre compte à proximité, pour des raisons de fidélité de clientèle.

De son coté, le locataire-gérant a également des obligations :

  • Il doit exploiter le fonds de la meilleure manière possible pour maintenir sa valeur marchande.
  • Il doit respecter la destination du fonds, c’est-à-dire l’activité qui lui a été concédée.
  • Il doit évidemment payer un loyer au propriétaire du fonds.
  • Il ne peut pas céder ou transmettre son droit de locataire-gérant à quelqu’un d’autre.

La fin de la location-gérance : Le locataire-gérant lorsqu’il arrive à la fin de son contrat, il n’a pas un droit acquis au renouvellement. En principe, il n’a pas droit non plus à une indemnité qui correspondrait à la plus-value qu’il a donnée au fonds.

Auteur : Aurore JUAN – Corpo Droit Montpellier